Que vous inspire cette récompense ?


Quand LMDLP m'a proposé d'être son candidat aux Zooms 2014 j'avoue avoir été flatté que, sans avoir rien fait pour cela, mon travail ai pu être remarqué parmi celui de centaines d'autres photographes.

Le niveau des candidats présentés par les autres magazines était très élevé et je ne pensais vraiment pas remporter un des deux prix avec des photos de rue.

La street photographie est une démarche solitaire, on fait les photos que l'on ressent, que l'on pressent, presque par instinct sans jamais savoir si ce que l'on a ressenti ou ce que l'on a vu en une fraction de seconde va être également ressenti et vu par ceux qui regarderont la photo. On est toujours seul avec nos questions et nos doutes.

Alors forcément j'ai été très heureux de remporter le Zoom du Public, très heureux que des milliers d'internautes, des milliers de parfaits inconnus aient plébiscité mon travail. C'est comme si ils m'avaient dit: " Vas y continue, on aime bien ta vision des choses".

C'est encourageant et gratifiant mais je me dis que n'ai plus le droit de les décevoir maintenant.

Et le fait que le Prix du jury ait également été attribué à un autre photographe de rue, Manolo Mylonas est extrêmement encourageant pour cette discipline qui commence enfin à sortir de l'ombre.


Comment définiriez-vous votre approche ?


Je n'ai pas d'approche au sens strict, à savoir une manière bien à moi d'aborder le sujet. Être photographe de rue dans une grande métropole nécessite de faire des photos de tout et de tous, de n'exclure aucun sujet, aucune catégorie sociale, aucune tranche d'âge, aucune race, aucun lieu, aucun quartier.

Si l'on veut rendre palpable l'âme d'une ville par le biais de la photographie, on s'aperçoit très vite en arpentant ses rues que tout est une photo possible. C'est ce qui rend la tâche passionnante mais difficile en même temps.

Ma seule exigence c’est la spontanéité, ne rien préparer, ne rien fabriquer, ne rien arranger, me contenter de regarder et me laisser surprendre par le théâtre de la rue.

Henri Cartier-Bresson a dit une phrase qui me correspond tout à fait : « En photographie quand on veut, on obtient rien. Il ne faut pas vouloir, il faut être disponible, et puis ça vient »

Je ne cherche pas à faire de jolies images, photographier honnêtement la simple réalité des choses est déjà suffisamment difficile.


Qu'est-ce que la photo de rue signifie pour vous ?


C’est une question difficile. J’ai envie de répondre cette magnifique phrase du génial Saul Leïter qui résume tout : « Je descends faire un tour et si je vois un truc je le prends en photo »  mais ce serait trop simple.

Quand on a plusieurs années de street photographie derrière soi et donc plusieurs milliers de photos prises dans la même ville, on finit pas réaliser que, même si ce n’était pas notre but au départ, on se retrouve de fait dépositaire en images d’une bonne partie de la mémoire de cette ville.

Par conséquent, je crois qu’à travers le plaisir que j’éprouve à immortaliser tous ces instants de vie urbaine, qu’ils soient beaux ou laids, confortables ou dérangeants, ce qui au fond me motive de plus en plus c’est l’idée d’apporter ma très modeste contribution à la mémoire photographique de Paris.

Dans un puzzle chaque pièce est importante, même si prise isolement elle ne donne pas beaucoup d'information, mais quand toutes les pièces sont disposées les unes à côté des autres c'est tout un paysage cohérent et lisible qui apparaît sous nos yeux.

C’est la même chose pour une ville. Ce sont les milliers de photos de Vivian Maïer ou de Garry Wynogrand qui, réunies dans des ouvrages ou des expositions, nous racontent Chicago ou New-York dans les années cinquante.


Au niveau du droit à l'image, comment faites-vous pour avoir l'approbation de vos sujets ?


La loi m’oblige à demander à chaque sujet si il m’autorise à le prendre en photo et si je ne l’ai pas fait, à lui courir après, une fois la photo prise pour l’en informer et lui faire signer une autorisation …

Quel photographe de rue digne de ce nom se livre à ce genre d’exercice ?

Cette loi, si elle était appliquée aujourd’hui viderait les librairies et les bibliothèques de centaines de milliers d’ouvrages et si elle avait existé plus tôt aurait privé le monde des photographies de Henri Cartier-Bresson, Willy Ronis, Brassaï, Robert Doisneau, Helen Levitt, Robert Frank

C’est la raison pour laquelle j’ai résolu le problème depuis longtemps : je fais comme si cette loi n’existait pas.


En quoi l'adjectif "Espiègle" vous correspond-t-il ?


Si faire des photos c'est une façon de transmettre ce que l'on voit, c'est aussi une façon de transmettre ce que l'on est. Alors si on a un soupçon d'humour on capte sans les chercher des instants drôles ou des situations comiques.

Je suis très attentif aux mots. Je ne peux pas passer devant une affiche, une enseigne ou n'importe quel texte écrit sans le lire et le relier à ce que je vois autour, alors forcément parfois ça donne des situations amusantes ou absurdes.


Parlons un peu technique et matériel : avec quel boîtier/optiques travaillez-vous ?


Je fais avec mes moyens. J’ai un Nikon D600 et mes objectifs sont un 50mm f1.4, 35mm f2, 28mm f2.8. J’aime travailler avec des objectifs fixes qui m’obligent sans cesse à me positionner par rapport à mon sujet et à trouver la bonne distance. Je n’utilise ni zoom ni flash.

Il existe des boitiers plus performants et des objectifs plus lumineux mais tout est question de budget !


Quels sont vos projets en cours ou à venir ?


Je viens de finir une exposition à la Galerie du Pont Neuf à Paris.

Vingt de mes photos vont être exposées au Salon de la Photo à Paris puis au Salon de la Photo de Yokohama au Japon en février.

Une seconde exposition se tiendra au printemps, toujours à la Galerie du Pont Neuf.

Mon projet le plus cher à moyen terme serait de trouver un éditeur. Mais tout vient à point à qui sait attendre.